Sur la date d'une photographie
et la manière dont Hugo se défend d'avoir fait
des vers faux

 

J'avais daté de 1868 ou 1869 le cliché ci-après de Garnier. 

 

 

Je reçois aujourd'hui de l'amitié de Michel Pasquier communication du document ci-après. Au recto, la même photo, assortie de l'envoi "A M. Firmin Javel" :

 

 

Le verso porte, de la main de Hugo, la date et quelques lignes:

 

 

Soit:

Pour renseignement, non pour rectification.

____

Petite question des vers faux:

Le vrai texte est ceci:

1° C'est l'air tiède et la fraîche aurore.

2° Qu'est-ce qu'ils diraient, ceux qui me voyaient si gaie

Je ne réponds pas des fautes d'impression.

                             V.H.

H. H. juin 1868

 

Le cliché d'Arsène Garnier, ami et photographe de Victor Hugo, doit donc être daté, avec certitude, du premier trimestre 1868.

 

La lettre, vraisemblablement, à laquelle cet envoi répond n'est pas connue. On ne peut donc en tirer que quelques conclusions générales. D'abord l'extrême courtoisie de Hugo et qu'il prenne la peine d'en user pour se défendre d'écrire des vers faux auprès d'un polygraphe de petite envergure et qui est loin d'être de ses proches. On notera cependant l'absence de formule de politesse. D'autre part sa défiance envers le texte imprimé de ses oeuvres en circulation -à moins qu'il n'exonère par là son correspondant d'une lecture ou d'un souvenir erroné. Enfin, et surtout, la mémoire inexacte qu'il a de son propre texte. Car s'il cite exactement le troisième vers de "Dieu est toujours là" (Les Voix intérieures, V), il se souvient mal du vers de Marion de Lorme (V, 6) qui est "Ah! qu'est-ce qu'ils diraient ceux qui m'ont vue si gaie, [...]". La cheville de ce "Ah!" laisse préférer, quoique très "brisé", le vers de 1868. Hugo a fait des progrès. L'édition originale et le manuscrit le confirment.

Nous n'avons pas trouvé l'origine de l'incrimination de Firmin Javel (1842-1921); nous ne l'avons pas beaucoup cherchée non plus.

 

Jean-Marc GOMIS